TAIZÉ

Visites

2009-2012 : Timor Oriental

 
À l’automne, un frère a visité le Timor oriental. Il livre ici des impressions sur ce séjour.

Un peuple capable d’oser faire confiance

En commençant à écrire le récit de ces 10 jours au Timor Oriental, je me demandais ce qui m’avait le plus marqué ; quelle image me restait de mes visites précédentes et plus spécialement de cette dernière. Sans aucun doute, c’est celle d’hommes et de femmes en marche, avançant vers un but. En dehors de la ville, cette image serait différente, mais dans la capitale, à Dili, c’est frappant. Dans mes récits précédents, je parlais du contraste saisissant entre l’extrême beauté de la mer d’un côté, de la montagne de l’autre et de tous ces jeunes hommes assis le long de la baie, dans les rues, essayant de vendre des cartes de téléphone. Maintenant, on ne traîne plus, on marche, on va vers… !

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Le dernier après-midi, il y a eu une rencontre avec des jeunes de différentes églises protestantes au YMCA. C’est toujours une fête d’être accueilli par Señor Horacio, le généreux directeur qui invite largement des jeunes de tous âges ! Ma visite avait été bien préparée, avec une rencontre dans les trois diocèses. Il y avait eu une invitation de Laga, qui est dans le diocèse de Baucau. Arrivé la veille au soir, cela avait permis de mieux voir les lieux et de décider avec le prêtre de la paroisse où pouvait se dérouler la prière le dimanche matin. Nous avons pu participer à la messe paroissiale, magnifiquement chantée, et inviter les paroissiens à se joindre à la prière du soir. L’après-midi, on a répété les chants et aussi choisi quelques chants en Makai, qui est une langue locale. Le soir, petit à petit, tout le monde est arrivé ; c’était impressionnant, car il devait y avoir certainement plus de 200 personnes. La prière autour de la croix répondait à un besoin, car Laga a longtemps été un lieu de violences, d’où un profond besoin de réconciliation. Après la prière, la sœur et le curé me disaient : « Vous savez, il y a eu de vraies réconciliations ! ». Ils avaient vu des personnes partager ce geste qui au Timor signifie que l’on se pardonne. Selon l’évêque, la prière comme elle est vécue à Taizé permet aux Timorais d’exprimer leur religiosité profonde.

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À Tibar qui appartient au diocèse de Magliana, la prière fut pleine de surprises. Au départ, elle était prévue pour les jeunes en formation dans différentes congrégations religieuses. Mais la paroisse, et surtout les jeunes et les enfants, sont arrivés en masse. Ainsi, au moment du partage en groupe, il a fallu rassembler les enfants et avoir une animation plus appropriée. Dans chaque groupe était discuté le thème de cette année : « ouvrir des chemins de confiance entre les humains ». Des enfants sont peut-être venues les réponses les plus belles.

Pour le diocèse de Dili, ce fut à l’école Don Bosco que se sont réunis les jeunes. Mais la rencontre la plus forte fut la prière avec 150 prisonniers à la prison de Becora, à Dili. Parmi eux, quelques Philippins et Indonésiens. Les Timorais sont musiciens et tous chantaient de tout leur cœur des chants qu’ils ne connaissaient même pas une heure auparavant. Beaucoup sont venus ensuite saluer, serrer la main, remercier.

Un grand effort est fait pour l’éducation des jeunes, tant de la part du gouvernement que de l’Église.
La langue reste un problème, car, si il y a quelques années l’indonésien restait connu et enseigné, maintenant cette langue a laissé place au portugais qui est mal enseigné, faute d’une formation adéquate pour les professeurs. Le Tetun est parlé, mais pas assez riche pour pouvoir exprimer ce qui devrait l’être. C’est pourquoi l’enseignement est une priorité. Le gouvernement a enfin pu faire tout un travail d’unification et établir des normes et critères auxquels sont maintenant soumises les institutions, tant les écoles que les universités dont les niveaux étaient si inégaux. L’Église ouvre une université et les Jésuites bâtissent une "junior high school". C’est impressionnant, car, une année à l’avance, ils forment les professeurs pour avoir le niveau académique requis, mais aussi la méthode d’enseignement, les valeurs. Ils les motivent d’une manière remarquable.

Beaucoup de jeunes sentent un appel à suivre le Christ dans le sacerdoce ou la vie religieuse. Petit à petit, on voit se dessiner un futur et on ne peut qu’être reconnaissant pour le courage de ce peuple capable d’oser faire confiance.


2011 : « Il nous faut traverser le présent »

Un des frères de Taizé a l’habitude d’aller en Timor Leste. Il y est retourné en mai 2011. Ici, il partage ses réflexions sur cette visite :

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« Il y a une grande espérance pour le futur, mais maintenant, il nous faut traverser le présent », m’a dit un ami rencontré à mon arrivée à Dili.

« Une grande espérance pour le futur »… Je suis allé rendre visite à la commission diocésaine des jeunes de Dili. C’est un endroit tout petit, étroit, où on a l’impression que l’équipe est en train de camper. Mais Jessica, une des jeunes qui y travaille à plein temps, m’accueille en disant avec beaucoup de conviction : bienvenue dans notre bureau, c’est simple, mais plein de joie, d’espérance, d’amour. Il y avait tant de conviction dans sa voix qu’on ne pouvait que voir le lieu avec un regard plein d’admiration.

La même expérience en rencontrant les 190 jeunes du petit séminaire, le visage tout ouvert, prêt à découvrir quelque chose de nouveau, dont ils savaient à peine ce que cela serait. Leurs animateurs m’ont laissé seul avec eux, sans traducteur, avec un DVD qui ne marchait pas…et ils ont continué à être ouverts, curieux et très présents à la prière….

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« Il nous faut maintenant traverser la situation présente ». Quand je suis venu l’an dernier, je trouvais que, pour la première fois, il y avait un changement, un long chemin parcouru. Depuis 3 ans, il n’y a pas eu de violence et politiquement le pays est plus stable. En 2012, il y aura des élections et la campagne électorale comme le résultat des élections sera un test et une indication pour l’avenir du pays.

En 2010, des experts et des avocats venaient d’Australie discuter les questions de l’exploitation du pétrole dans la mer de Timor entre l’Australie et Timor Oriental. L’accord a prévu une répartition égale des revenus entre les deux pays. En octobre dernier, les premiers revenus ont été versés.

Au plan tout à fait concret, le besoin le plus urgent semble être la formation à tous les niveaux. Il y a des décennies à rattraper et après 10 ans d’indépendance, beaucoup disent que tout avance très lentement. Pourtant, des initiatives se prennent : « Teachers Training College » où l’enseignement serait en portugais (la langue officielle) et en anglais. Cela devrait permettre un enseignement qui développerait les qualités créatrices des étudiants. C’est comme si tout était là en puissance, mais devait encore être éveillé.

Des initiatives encore plus à la base se font : la commission des jeunes de l’Église Catholique a donné des cours de base d’informatique indispensables pour trouver un travail. Les sœurs salésiennes ont ouvert une boulangerie pour que les jeunes qui étudient chez elles aient une profession qui leur permettra de gagner de quoi nourrir leur famille.

Pour tous ceux qui sont engagés dans ce combat, c’est vraiment un acte de foi. Cette confiance est admirable et contagieuse.


Visites en juillet 2010

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À Timor Est, l’atterrissage se fait sur la mer. La route qui va vers la ville passe le long de la baie. Chaque fois que je suis venu ici, je me disais : « Quel beau pays ! » Mais dès l’entrée en ville, il y avait toujours des traces de la guerre, des maisons abandonnées, des fenêtres sans vitres… Cette fois, il y a un changement pour le mieux : de nouveaux bâtiments, un éclairage public dans certaines rues, et il n’y a plus de tentes avec des réfugiés, toutes les personnes déplacées ont regagné leur lieu d’origine.

Les commissions des jeunes des trois diocèses de Dili, Baucau et Maliana avaient préparé pour moi un beau programme. Ils avaient invité des délégués de chaque paroisse. Il y avait souvent une journée avec la Lettre de Chine et quelques heures sur « comment préparer une prière méditative ».

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Les jeunes qui ont participé à la rencontre de Manille ont fait un très beau partage de leurs expériences. C’était la première fois qu’ils étaient sortis du pays, et ils avaient découvert mille choses. Ils réalisent aussi qu’ils ont quelque chose à offrir aux jeunes des autres pays. La semaine passée en dehors de Manille les avait beaucoup impressionnés, surtout ceux qui viennent des régions tribales.

À part ces rencontres diocésaines, il y a eu une demi-journée avec les postulants et novices de différentes communautés religieuses.

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Quel chemin depuis ma première visite en 1991 ! Les jeunes sont très motivés et beaucoup montrent une grande maturité, mélange de réserve et d’une conscience très claire de leur identité de Timorais. On constatait une grande différence de comportement et de manière de s’exprimer par rapport à d’autres pays d’Asie.

Le dimanche, les églises débordent. Les jeunes savent le rôle que l’Église a essayé de jouer pour un retour à la démocratie et combien elle a été solidaire avec le peuple.

Les trois évêques insistent sur l’importance de la prière. On se rend compte que les blessures du passé sont là. Un jeune jésuite me disait que des violences continuent à éclater, que ce soit dans la société ou dans les familles. Je lui ai demandé comment réagissaient les plus jeunes. Il m’a dit que le problème vient des parents qui transmettent un esprit de vengeance à leurs enfants, et que c’est à sa génération de trouver le chemin étroit entre « ne pas oublier » et pardonner.


Vulnérables et forts

Visites en 2009

C’était la première fois qu’une retraite était proposée aux jeunes du diocèse de Dili. Les Sœurs du Sacré-Cœur ont offert l’hospitalité dans leur maison située dans le village montagneux de Bazartete. La maison abrite un jardin d’enfants, mais pour ce week-end elle était devenue un lieu de silence.

La Commission des jeunes avait invité chaque paroisse du diocèse de Dili à envoyer deux jeunes et 45 sont venus. La lettre du Kenya était au cœur de la réflexion. Afin de favoriser la participation des jeunes, on leur a demandé de faire des posters pour illustrer les questions posées : « À quelles sources puisons-nous la vie, et qu’est-ce qui nous aide à désensabler ces sources ? »

Le dimanche après-midi, tous les jeunes sont descendus à Dili pour une prière ouverte à tous, en particulier à ceux qui n’avaient pas pu venir à Bazartete. Des problèmes nous attendaient : le lieu prévu pour la prière était soudain occupé par une autre activité, et une pluie torrentielle a provoqué une coupure de courant. Malgré cela, il fut possible de prier avec plusieurs centaines de jeunes.

À Venilale, dans le diocèse de Baucau, un autre défi nous attendait. Plusieurs centaines de jeunes de 10 à 25 ans étaient venus non seulement de la paroisse et des écoles salésiennes, mais aussi de Fatumaca tout proche. Il n’y avait pas assez de feuilles avec le texte de la « Lettre du Kenya » et les chants pour la prière. La tranche d’âge des participants pouvait faire craindre que la « Lettre du Kenya » ne soit pas comprise par tous. Bien au contraire, le nombre de témoignages était impressionnant et il a fallu s’interrompre pour aller à la prière.

En 2007, la paroisse de Venilale avait été le théâtre de beaucoup de violences. Au début de la rencontre, le jeune curé de la paroisse a dit combien la réconciliation était urgente. En 2007, même des enfants avaient pris part aux violences. Après la lecture du premier chapitre de la Lettre, les jeunes ont échangé en petits groupes. Ensuite, un des aumôniers a suggéré que quelques-uns disent à tous ce dont ils avaient discuté. Quelle surprise de voir tant de doigts se lever pour demander la parole !

Voici comment un des animateurs résume la rencontre

Votre visite au Timor oriental est venue après plusieurs années très difficiles en raison de la violence et de l’instabilité politique. Elle confirme qu’il y a de l’espoir pour ce pays parce que, au cours de la rencontre et des prières, nos jeunes se sont révélés « bonne terre » où de bonnes choses et des projets pourront être plantés. Nous avons une grande responsabilité et nous sommes heureux de pouvoir compter sur votre solidarité, votre soutien et votre prière pour continuer à tenter de construire ce pays vulnérable et tant aimé… Tout ce que nous avons préparé s’est très bien déroulé, en douceur. C’est aussi un signe important, car si souvent ici, nous avons le sentiment que même un tout petit pas demande tant d’énergie et de confiance… Votre semaine a été dans ce sens très facile et joyeuse… Merci d’avoir partagé cette authentique espérance et d’avoir marché avec nous pour cette partie du pèlerinage de confiance.

Dernière mise à jour : 18 décembre 2012