Bienvenue à tous celles et tous ceux qui sont venus passer ces jours avec nous alors que nous nous souvenons de la résolution de Jésus d’aimer jusqu’à son dernier souffle. Ce faisant, Jésus nous montre qui est Dieu et il nous dit que rien ne peut nous séparer de l’amour de Dieu : ni la vie, ni la mort, ni la souffrance, ni la violence.
Nous avons suivi les pas de Jésus tout au long de cette semaine, depuis son entrée à Jérusalem, son dernier repas avec ses amis, son procès et sa condamnation injustes, avant de donner sa vie pour toute la famille humaine sur la croix. Aujourd’hui, nous attendons en silence la révélation finale que cet amour ne connaît pas de limites, un amour qui ouvre les chemins du pardon et de la communion, nous conduisant tous vers la vie éternelle.
Vous êtes venus nombreux d’Allemagne, de France, du Portugal, des Pays-Bas, de Suède, d’Italie et d’Espagne, mais je voudrais saluer tout particulièrement les Palestiniens de Bethléem qui sont avec nous cette semaine, ainsi que les jeunes de l’Ukraine. Votre présence ici incarne notre désir de nous souvenir de tous celles et tous ceux qui sont touchés par la guerre et l’oppression dans notre monde troublé. Nous pensons également aux personnes qui luttent pour la justice sous des régimes autoritaires. Je voudrais demander à John de Bethléem et Anna de Kyiv de nous adresser quelques mots :
John de Bethléem : « Seigneur Dieu, nous sommes les filles et les fils de la Terre Sainte, aujourd’hui marquée par la guerre, l’injustice et la destruction. Cependant, c’est cette même Terre que tu as visitée lors de la naissance, de la vie, de la mort et de la résurrection de ton Fils Jésus - et tu continues à marcher fidèlement avec nous aujourd’hui, nous donnant de l’espoir de bien des manières, un espoir que nous pouvons ressentir lorsque nous visitons l’église de la Nativité…Nous sommes reconnaissants envers nos familles et nos amis qui nous soutiennent, nous écoutent, nous protègent, nous encouragent et nous aident à poursuivre notre voyage dans cette vie. Ils nous donnent espoir et force.Nous sommes reconnaissants pour le privilège de vivre en Terre Sainte ; nous pouvons facilement aller prier à l’église de la Nativité pour nous souvenir de ton amour pour nous. Cela nous donne espoir et force.Nous sommes reconnaissants pour l’opportunité d’étudier à l’université qui nous offre un lieu sûr pour apprendre, pour ouvrir nos esprits et nos cœurs au monde et à toi. Cela nous donne espoir et force.Nous sommes reconnaissants pour l’art, la musique et surtout pour notre chorale qui nous donne un endroit où nous pouvons nous réunir et exprimer notre douleur et nos louanges à travers la musique d’une seule voix ; nous savons que vous nous entendez. Cela nous donne espoir et force.Nous sommes reconnaissants pour ta Parole vivante dans l’Évangile, en particulier pour tes Béatitudes qui nous rappellent que même si la situation est difficile aujourd’hui, tu promets des jours meilleurs ; tu promets le Royaume de Dieu. Cela nous donne espoir et force.Nous sommes reconnaissants pour les cœurs et les esprits que nous utilisons pour nous servir les uns les autres sans attendre de retour, en construisant une communauté d’espoir et de force qui nous aide à persévérer. Tu es avec nous. Nous te remercions et nous t’appelons à l’aide. »----Anna de l’Ukraine : « La Semaine Sainte est une période très spéciale. Lorsque je réfléchissais à la manière de la vivre cette année, la communauté de Taizé m’est apparue comme l’endroit le plus juste où être ; et tout particulièrement en ces temps difficiles, un lieu pour réfléchir plus profondément à ce que signifie la résurrection.La dernière fois que je suis venue à Taizé, c’était il y a trois ans, également pendant la Semaine Sainte. Cela faisait seulement quelques mois que l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie avait commencé. Cette semaine-là est devenue une étape importante dans la construction de mon socle de résilience et d’espérance, en plus de nombreux autres dons inattendus que j’ai reçus.Quand je pense à la communauté de Taizé aujourd’hui, je me demande : pourquoi est-ce si important pour moi d’y revenir, encore et encore ?Je suis venue à Taizé pour la première fois il y a dix ans, à l’époque où la guerre avait commencé à atteindre l’Ukraine et à affecter les régions de l’Est. La communauté de Taizé avait alors exprimé une profonde solidarité et un soutien fort envers le peuple ukrainien. Un souvenir très vif que je garde de cette période, c’est l’accueil à plusieurs reprises par la communauté de groupes d’enfants et de jeunes ukrainiens déplacés à l’intérieur de leur propre pays.L’invitation de Taizé et l’expérience de vie partagée avec ces enfants et ces jeunes ont été des signes puissants d’amitié, de soin et d’amour — des réalités dont nous avions profondément besoin à ce moment-là.Je tiens à exprimer ma gratitude pour la solidarité et le soutien que la communauté de Taizé n’a cessé de manifester au cours de ces dix années difficiles pour l’Ukraine — à travers les prières, les actions et la présence.Alors, pourquoi est-ce si important pour moi de revenir ici, encore et encore ? Taizé est un lieu où je peux me rappeler — souvent grâce aux autres — des vérités simples mais profondément réconfortantes. Par exemple, lors du partage de ce matin, on m’a rappelé que la main de Jésus est toujours sur notre épaule, même lorsque nous avons tendance à l’oublier.Aujourd’hui, Taizé est, pour moi, un lieu où nous pouvons nous offrir mutuellement la consolation et l’espérance dont nous avons tous besoin, surtout dans les moments difficiles. »
Les jeunes Palestiniens et Ukrainiens ont porté la croix pour nous vendredi et ce soir l’icône où l’on voit Jésus tirer Adam, le premier homme, vers la lumière. Demain, vous porterez le cierge pascal au début de l’Eucharistie. Vous nous aidez ainsi à prier pour ce que Jésus nous dévoile par son retour à la vie : la souffrance et la mort n’auront jamais le dernier mot.
Nous ne pouvons pas séparer la Croix de la Résurrection. Mais nous nous retrouvons souvent comme au Samedi Saint. Nous sommes pris dans une sorte d’attente. Nous sommes peut-être conscients de notre propre souffrance, mais aussi de celle de nos sociétés, des différentes situations de guerre dans le monde et de notre création blessée. Autour de nous, tant de personnes vivent des expériences bouleversantes.
Nous aspirons à la guérison et à la paix. Nous aspirons à un véritable retour à la vie. Le Samedi Saint nous dit qu’en dépit de ce qui semble être un silence, Dieu est en quelque sorte à l’œuvre et provoque ce retour à la vie.
Tôt demain matin, nous nous rassemblerons pour écouter des lectures de la première partie de la Bible qui parlent de la puissance créatrice de l’amour de Dieu, du désir de Dieu de libérer son peuple en faisant naître une espérance au-delà de toute espérance. Puissent ces lectures ouvrir nos cœurs à cette même espérance.
Les lectures ne sont pas toutes faciles à comprendre, mais elles nous disent qu’il existe un lieu meilleur, un monde plus attrayant, et qu’une libération est possible. Elles nous montrent aussi que le chemin passe par le désert.
Car nous avons tous besoin d’être libérés d’une manière ou d’une autre, que ce soit de ce qui nous tient en esclavage intérieurement, de difficultés liées à nos sociétés, ou de situations troubles où même notre vie, notre liberté ou la liberté de notre pays sont en jeu.
L’exemple du prophète Jérémie me touche beaucoup. Lorsque Jérémie était en prison et que Jérusalem était menacée, il a acheté un champ à Jérusalem. Pour moi, des gestes prophétiques comme celui-là montrent notre foi dans la fidélité de Dieu. Quelque chose au fond de lui lui disait qu’un avenir était possible. Notre foi en la résurrection nous dit qu’une vie nouvelle est possible là où il n’y en avait pas.
Qu’est-ce que cela signifie concrètement ? Quels sont les gestes que nous sommes appelés à poser en signe de confiance dans un avenir de paix ? Quels sont les pas que nous pouvons faire dans notre prière pour nous souvenir de ces différentes situations où, pour l’instant, il semble n’y avoir que la mort ? Quelles sont les personnes qui souffrent et qui vivent près de nous et à qui nous pourrions tendre une main secourable ?
Cela signifie-t-il de quitter notre zone de confort pour aller là où personne ne veut aller ? Ou peut-être rejoindre des personnes qui sont simplement différentes de nous ? Ou encore rester en contact avec des personnes qui vivent dans une situation de guerre. Telles sont les questions que je me pose aujourd’hui, et que je vous partage.
Et peut-être n’y a-t-il pas de solutions immédiates que nous puissions apporter, mais en étant présents, quelque chose d’inattendu va se produire. Au cours de l’année écoulée, nos frères ont régulièrement rendu visite à des jeunes en Ukraine. Des visites ont également eu lieu au Liban, à Jérusalem et en Cisjordanie. Ces visites se poursuivront.
Au cours de ces visites, une expérience transformatrice se vit de part et d’autre : les gens réalisent qu’ils ne sont pas oubliés et nous découvrons le courage de ces personnes. Notre confiance est renouvelée et quelque chose reprend vie en nous.
Un dernier point : du 28 décembre au 1er janvier, nous espérons que vous pourrez nous rejoindre pour notre rencontre européenne annuelle de jeunes adultes. Après Tallinn en début d’année, notre prochaine rencontre aura lieu à Paris et en Île-de-France.
Nous avons été invités pour cette rencontre européenne par l’archevêque de Paris et les évêques de la province, ainsi que par des responsables protestants et orthodoxes. A Tallinn, l’archevêque nous a dit que la cathédrale Notre Dame nous accueillera tous, portes ouvertes, pour que nous puissions y rencontrer le Christ qui nous attend. Cette rencontre sera aussi le signe de notre désir de paix et de fraternité dans la famille humaine, oui, d’une espérance au-delà de toute espérance.
Maintenant nous allons continuer la prière, mais avant de reprendre le chant, que chacun de nous murmure à son voisin : « Le Christ est ressuscité ! » Et il peuvent murmurer à son tour : « Il est vraiment ressuscité ! »
Et dès demain et pour les semaines à venir, saluez vos sœurs et frères dans la foi par cette salutation. Osez croire au signe du tombeau vide. Alors la paix et la joie du Christ ressuscité seront avec nous tous !